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L'embouchure
Les épaves antiques du littoral camarguais
Rivage instable et bas, peu discernable depuis la vigie des misaines,
à la croisée du vent marin et du mistral, le littoral camarguais fut
une terre de naufrage toujours redoutée des timoniers. Dans le fond
trouble de sa "mer gauloise", il restitue quelquefois le tribut
capricieusement prélevé au vaste commerce maritime.
Après les nombreuses épaves modernes, c'est à partir de 1989, face
aux Saintes-Maries-de—la-Mer, que fut localisée par un pêcheur
saintois la première épave antique, chargée de lingots de plomb et
d'amphores espagnoles.
Aujourd'hui, une trentaine d'épaves antiques, datées entre le IIe
siècle av. J.-C. et le IIIe siècle de notre ère, ont été recensées.
Engravée sur des bancs de sable proches de la côte, la majorité de
ces navires tentait de rallier une embouchure du Rhône antique
aujourd'hui disparue, l'ostium metapinum, plus connu sous son
vocable médiéval de Rhône de Saint-Ferréol.
Témoins du commerce avec la Méditerranée, tous ces vaisseaux se
distinguent par leur cargaison variée d'amphores, d'objets de bronze,
ou de matières premières (lingots de plomb, galettes de cuivre,
barres de fer, blocs de marbre). Quelques objets isolés sont riches
d'enseignements : une amphore grecque de Marseille du IVe siècle
avant notre ère témoigne de l'ancienneté de la navigation sur ce
rivage ou encore un très beau portrait en marbre d'Auguste.
Un port englouti ?
Des vestiges disposés par 9 m de fond comprennent des bases de
poteau en calcaire, parfois encore liées à du mortier, à des clous
de charpente et à des fragments de tuiles (tegulae). Ils
rappellent les structures submergées du golfe de Fos-sur-Mer,
interprétées comme des hangars à bateaux. Mais la présence, à
proximité immédiate de ces alignements de pierres, d'un très riche
dépotoir d'amphores, de vaisselle et de petits objets de la vie
quotidienne plaide plus simplement en faveur d'une activité
économique autour de grands magasins de stockage.
Ce dépotoir couvre une large période allant du ve siècle av. J.·C.
(amphores grecques de Marseille) au VIe siècle de notre ère avec une
période d'intense activité au Ier siècle de notre ère. Cette période
inaugurée par l'empereur Auguste (27 avant J.-C.-14 après J.-C.)
correspond à la pax romana, période de paix, d'unité de
l'Empire et d'échanges économiques intenses entre les provinces
riveraines de la Méditerranée.
Un avant·port pour Arles ?
À la suite d'un obstacle, d'une crue ou d'un étiage particulièrement
bas, le Rhône interrompait sans doute la descente des allèges qui
venaient décharger les gros bateaux de mer. Il fallait donc trouver
provisoirement sur place des magasins en nombre suffisant pour
libérer les navires qui -en mer- patientaient au mouillage et
n'auraient pu en aucun cas eux-mêmes remonter le Rhône à cause de
leur fort tirant d'eau.
De guauche à droite :
- Jas d'ancre Plomb. Époque romaine.
Saintes-Maries-de-la-Mer
- Ancre-poids Calcaire. Saintes-Maries-de-la-Mer
- Lingots Plomb. La provenance reste difficile à établir
: Cévennes ou Germanie ? Période flavienne (69-79 de notre ère)
Certains de ces lingots possèdent des marques d'appropriation
impériale.
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