Description
C'est dans ces puits que se formait la glace en hiver. Sur la rive
droite de la Grande Ravine, sous une voûte de lave, il y a deux
puits creusés par les hommes. Ils mesurent environ trois mètres de
largeur et quatre de profondeur.
Le premier est maçonné à l'aide de pierres trouvées sur place.
Maçonnerie probablement réalisée suivant les techniques de
l'époque : au mortier de chaux et de sucre. L'orientation des
ouvertures permettait de maintenir la glace à l'abri du soleil.
Cette entreprise fonctionna jusqu'à l’installation d'une glacière à
vapeur dans la ville du Port au début du XXe s.
Histoire
C'est vers 1820 que des particuliers commencèrent à exploiter pour
leur propre usage la glace des Hauts. Mais le succès aidant, ce fut
très vite un commerce qui permettait aux plus démunis de se procurer
un revenu d'appoint.
Et on voit apparaître dans ces contrées, des porteurs, chargés sur
leurs têtes de "gonis" (sacs) emplis de 25 kg de glace, mélangée à
de la sciure.
Arrivée sur le littoral la glace était pilée et inconditionnée en
pain de 25 kg pour être revendue à des fins principalement
médicinales.
Et c'est vers 1830 que le sieur Joseph Marenas, entrepreneur en
charrois à St-Denis et, originaire de St-Christol (Vaucluqe) eut
l'idée de rationaliser cette activité. Comme en témoigne le document
qui suit:
Saint-Denis, le 4 Mars 1835
Monsieur le Gouverneur,
Le Sieur Morenas ]oseph a l’honneur de vous exposer que depuis passé
trois années il a créé dans cette colonie une glacière,
objet devenu de la plus grande nécessité pour le pays surtout à
cause des maladies qui sans l'application instantanée de la
glace eussent été mortelles.
Ce n'est qu'après avoir lutté contre tout ce que la nature a de plus
ingrat qu'à plus de douze cent toises d'élévation, dans une
région où il n'existe qu'une herbe rare poussant à peine sur les
laves d'un ancien cratère, qu'il a été obligé de transporter à
grands fais tous les matériaux nécessaires à son Établissement. Ses
efforts quoique couronnés d'un commencement de succès
n'ont point encore payé les frais immenses pour s'établir dans cette
région du froid ou il a vu cent fois tous ses noirs
loués l'abandonner seul au milieu de ses travaux :
Pour parvenir à assurer pendant toute l'année de la glace à la
colonie, il a besoin de se considérer propriétaire du
morceau de rocher sur lequel il s'est établi et ou jamais avant lui,
nulle trace humaine n'avait paru.
Il ose donc espérer, Monsieur le Gouverneur, que votre sollicitude
lui fera obtenir en dédommagement de ses peines,
et dans l'intérêt de la colonie, la concession du terrain inhabitable
désigné au plan figurafif ci-contre et où il est déjà établi.
D'avance il ne craint pas qu'aucune personne puisse y faire valoir
des droits puisqu'il est au-dessus de toute limite possible de
culture.
Confiant dans votre paternelle bonté et assuré que vous invoquer est
déjà une cause de réussite, le soussigné espère que vous voudrez bien
prendre en considération sa demande et d'avance il vous assure de
toute sa reconnaissance.
Il a l'honneur d'être, Monsieur le Gouverneur avec le plus profond
respect votre très humble et très obéissant serviteur.
MORENAS
Mais il se heurta à l'opposition des habitants de St-Paul dont les
concessions allaient du "sommet des montagnes au battant des lames".
St-Paul, le 24 mai 1835
Monsieur le Maire,
Nous venons de voir dans la gazette l'indicateur en date d'hier une
demande en concession formée par M. Morénas pour des terrains situés
dans les hauts des habitations de St Paul.
Les propriétaires de ces terrains feront dans doute leurs
observations sur cette demande mais cela nous est étranger; notre
but aujourd'hui est de vous prier Monsieur le Maire, de former
opposition en votre qualité de maire et au nom des pauvres
du Canton, à la demande en concession formée par M. Morenas, parce
que si elle lui était accordée ce serait lui donner le
monopole du commerce de la glace : commerce qui pendant les années
de disette qui viennent de s'écouler a servi à beaucoup
de pauvres pour se procurer des vivres. Déjà l'année dernière,
beaucoup de noirs ont éprouvé des difficultés pour prendre de
la glace; que serait ce si Monsieur Morénas obtenait la concession
qu'il demande? Un produit de la nature deviendrait la
propriété d'un seul homme ! Cela ne peut pas être, M. le Maire.
Représentant au Conseil Municipal les habitants les plus
pauvres de St Paul, nous croirions manquer à nos devoirs si nous ne
protestions positivement contre la demande de M.
Morenias. En nous adressant à vous, nous pensons suivre la marche
légale et nous espérons que vous voudrez bien prendre,
notre démarche en considération.
Nous avons l'honneur d'être avec respect, Monsieur le Maire, vos
très humbles et obéissants serviteurs.
TROUSSAIL
Ant. CHAUVET
R. CHAUVET
J. LAPRADE
St-PauL le 26 mai 1835
Monsieur le Directeur
Vous avez inclu une lettre que viennent de m'écrire quatre membres
du conseil de commune, déjà un plus grand nombre d'habitants
sont venus à la Mairie me solliciter de vous faire connaître la
demande indiscrète de M. Morénas; j'ai dû dans l'intérêt de mes
administrés accueillir la lettre et toutes les réclamations verbales
en les appuyant des circonstances qui doivent repousser les
prétentions de Monsieur Morénas dans la concession qu'il demande
pour jouir d'un monopole que trois points lui refusent.
Les concessions ont été faites du bord de la mer au sommet des
montagnes.
La glace se produisant naturellement dans des portions indivises,
elle peut appartenir à tous les ayant droits et persoune ne peut
avoir le droit d'en demander la propriété au détriment de ceux à qui
appartiennent les terrains concédés.
Ce produit qui ne demande que la peine d'aller le chercher très
loin, donne tous les ans aux pauvres de la commune une
ressource qui par la concurrence de la vente s'obtient à un prix
modéré et suffisant pour que pendant six
mois de l'année ils trouvent de quoi acheter des vivres et
entretenir leurs familles.
Toutes ces considérations, dans l’intérêt public, motivées sur des
raisonnements justes, je crois pouvoir solliciter de votre autorité
de repousser les prétention de M. Morénas en considérant
ma lettre comme une opposition formelle au monopole qu'il veut
établir et que la loi défend, car déjà, des noirs envoyés pour
chercher de la glace ont été renvoyés par les agents de M. Morénas
sans en obtenir, bien que le même Jour, il en a vendu a St Paul a
3 0u 4 sous la charge; cette circonstance a sérieusement mécontenté
toute la ville de St Paul. Vous en êtes instruit et vous ferez
justice.
J'ai l'honneur d'être très respectueusement, Monsieur le Directeur
de l'Intérieur, 'votre trés obéissant serviteur.
LA Maire SALELES
L'affaire n'en resta pas là, et suite à une nouvelle lettre reçue
par ses administrés, le Maire de St-Paul envoya une deuxième lettre
au Directeur de l'Intérieur:
Monsieur le Maire,
Nous avons été étonnés en lisant dans le Glaneur de samedi dernier,
un avis signé par M. le Directeur des Domaines, et où il informe les
habitants de la partie sous-le-vent que M. Morénas demande la
concession du Brûlé de Saint-Paul
La glace n'a été utilisée à Bourbon que depuis 12 à 14 ans. Pendant
les premières années, celui-la seul qui avait pensé à en tirer parti
en faisait extraire du Brûlé, mais petit à petit l'usage en devint
plus fréquent et bientôt la consommation en fut assez grande
pour que St Paul put en regarder la vente comme un produit. Dès lors
elle devint une ressource pour les indigents et dans les années de
disette, elle fournit à un grand nombre de familles de quoi se
procurer du riz fort cher alors et leur donner les moyens de
subsister pendant plusieurs mois. Vous n'ignorez pas, Monsieur le
Maire, que le commerce de la glace est encore aujourd'hui une
ressource indispensable à bien des malheureux qui attendent les mois
d'hiver pour se procurer de quoi vivre pendant une partie de l'année,
ainsi nous croyons devoir faire valoir, indépendamment de nos droits
sacrés de propriétaires les droits aussi sacrés des indigents, il
serait inouï que le Gouvernement pensât à enrichir un homme
entièrement étranger à notre commune au détriment d'une partie
entière de sa population et de cette partie qui doit le plus vivement
exciter sa sollicitude!
Nous vous prions, Monsieur le Maire, de vouloir bien réclamer de
suite et vivement auprès de l'autorité, pour la conservation de nos
droits et pour gu'on ne vienne pas ravir à nos pauvres un moyen
d'existence. Quant à nous, nous réfléchirons encore et nous verrons
si, dans l'intérêt de la commune et dans le nôtre nous ne devons pas
nous opposer formellement à tout établissement dans les hauts,
semblable à celui de M. Morénas et si, instruits par l'expérience
nous ne devons pas craindre les conséquences de notre bonté et
employer les moyens que nous donne le droit de propriété pour
restituer de suite et en totalité à la population indigente un
revenu dont nous lui avons laissé enlever une partie
Nous avons l'honneur d'être, Monsieur le Maire, vos très humbles et
très obéissants serviteurs.
St Paul, le 28 mai 1835
LE LIEVRE - AUBRY- Ferdinand DUPUY - ARCHAMBAUD - Vve CHANDEMERLE -
KIANVAL Aimné - DESBASSYNS - BOSSE - QUICLET - Elie RICQUEBOURG -
VERGOZ - LIGER - Marie-Luc de LANUX - FRANCOIS - Auguste LEBRETON -
LUCAS - LIGER Rochebebelic (fils) - G.ÊCHANDEMERLE- FITAU -Vve SERU -
Antoine ROLIN.
St·Paul, le 10 juin 1835
Monsieur le Directeur
]'ai eu l'honneur de vous écrire le 26 mai dernier et de vous
envoyer les réclamations de divers habitants sur réclamations
de M, Morénas aujourd'hui, bien que j'en aie été honoré d'un accusé
de réception de ma lettre susdite, j'ai de nouveau l'honneur de
vous envoyer la lettre que des habitants de la commune viennent de
m'adresser, je vous prie de la la faire prendra en considération et
me croire respectueusement Monsieur le Directeur, votre très humble
serviteur.
Le Maire SALELES
L'histoire de la Glacière est ensuite liée à celle de Madame
Desbassyns. En effet, l'endroit, d'abord aménagé par un Morenas en
1832 est exploité par Mme Desbassyns bien des années plus tard.
Panneau et http://www.reunionvoyage.com/page/5/