20091203

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La Glacière (2489 m)

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Description
C'est dans ces puits que se formait la glace en hiver. Sur la rive droite de la Grande Ravine, sous une voûte de lave, il y a deux puits creusés par les hommes. Ils mesurent environ trois mètres de largeur et quatre de profondeur.
Le premier est maçonné à l'aide de pierres trouvées sur place. Maçonnerie probablement réalisée suivant les techniques de l'époque : au mortier de chaux et de sucre. L'orientation des ouvertures permettait de maintenir la glace à l'abri du soleil. Cette entreprise fonctionna jusqu'à l’installation d'une glacière à vapeur dans la ville du Port au début du XXe s.

Histoire
C'est vers 1820 que des particuliers commencèrent à exploiter pour leur propre usage la glace des Hauts. Mais le succès aidant, ce fut très vite un commerce qui permettait aux plus démunis de se procurer un revenu d'appoint. Et on voit apparaître dans ces contrées, des porteurs, chargés sur leurs têtes de "gonis" (sacs) emplis de 25 kg de glace, mélangée à de la sciure. Arrivée sur le littoral la glace était pilée et inconditionnée en pain de 25 kg pour être revendue à des fins principalement médicinales. Et c'est vers 1830 que le sieur Joseph Marenas, entrepreneur en charrois à St-Denis et, originaire de St-Christol (Vaucluqe) eut l'idée de rationaliser cette activité. Comme en témoigne le document qui suit:

Saint-Denis, le 4 Mars 1835
Monsieur le Gouverneur,
Le Sieur Morenas ]oseph a l’honneur de vous exposer que depuis passé trois années il a créé dans cette colonie une glacière, objet devenu de la plus grande nécessité pour le pays surtout à cause des maladies qui sans l'application instantanée de la glace eussent été mortelles.
Ce n'est qu'après avoir lutté contre tout ce que la nature a de plus ingrat qu'à plus de douze cent toises d'élévation, dans une région où il n'existe qu'une herbe rare poussant à peine sur les laves d'un ancien cratère, qu'il a été obligé de transporter à grands fais tous les matériaux nécessaires à son Établissement. Ses efforts quoique couronnés d'un commencement de succès n'ont point encore payé les frais immenses pour s'établir dans cette région du froid ou il a vu cent fois tous ses noirs loués l'abandonner seul au milieu de ses travaux :
Pour parvenir à assurer pendant toute l'année de la glace à la colonie, il a besoin de se considérer propriétaire du morceau de rocher sur lequel il s'est établi et ou jamais avant lui, nulle trace humaine n'avait paru. Il ose donc espérer, Monsieur le Gouverneur, que votre sollicitude lui fera obtenir en dédommagement de ses peines, et dans l'intérêt de la colonie, la concession du terrain inhabitable désigné au plan figurafif ci-contre et où il est déjà établi. D'avance il ne craint pas qu'aucune personne puisse y faire valoir des droits puisqu'il est au-dessus de toute limite possible de culture.
Confiant dans votre paternelle bonté et assuré que vous invoquer est déjà une cause de réussite, le soussigné espère que vous voudrez bien prendre en considération sa demande et d'avance il vous assure de toute sa reconnaissance.
Il a l'honneur d'être, Monsieur le Gouverneur avec le plus profond respect votre très humble et très obéissant serviteur.
MORENAS

Mais il se heurta à l'opposition des habitants de St-Paul dont les concessions allaient du "sommet des montagnes au battant des lames".

St-Paul, le 24 mai 1835
Monsieur le Maire,
Nous venons de voir dans la gazette l'indicateur en date d'hier une demande en concession formée par M. Morénas pour des terrains situés dans les hauts des habitations de St Paul.
Les propriétaires de ces terrains feront dans doute leurs observations sur cette demande mais cela nous est étranger; notre but aujourd'hui est de vous prier Monsieur le Maire, de former opposition en votre qualité de maire et au nom des pauvres du Canton, à la demande en concession formée par M. Morenas, parce que si elle lui était accordée ce serait lui donner le monopole du commerce de la glace : commerce qui pendant les années de disette qui viennent de s'écouler a servi à beaucoup de pauvres pour se procurer des vivres. Déjà l'année dernière, beaucoup de noirs ont éprouvé des difficultés pour prendre de la glace; que serait ce si Monsieur Morénas obtenait la concession qu'il demande? Un produit de la nature deviendrait la propriété d'un seul homme ! Cela ne peut pas être, M. le Maire. Représentant au Conseil Municipal les habitants les plus pauvres de St Paul, nous croirions manquer à nos devoirs si nous ne protestions positivement contre la demande de M. Morenias. En nous adressant à vous, nous pensons suivre la marche légale et nous espérons que vous voudrez bien prendre, notre démarche en considération.
Nous avons l'honneur d'être avec respect, Monsieur le Maire, vos très humbles et obéissants serviteurs.
TROUSSAIL
Ant. CHAUVET
R. CHAUVET
J. LAPRADE

St-PauL le 26 mai 1835
Monsieur le Directeur
Vous avez inclu une lettre que viennent de m'écrire quatre membres du conseil de commune, déjà un plus grand nombre d'habitants sont venus à la Mairie me solliciter de vous faire connaître la demande indiscrète de M. Morénas; j'ai dû dans l'intérêt de mes administrés accueillir la lettre et toutes les réclamations verbales en les appuyant des circonstances qui doivent repousser les prétentions de Monsieur Morénas dans la concession qu'il demande pour jouir d'un monopole que trois points lui refusent.
Les concessions ont été faites du bord de la mer au sommet des montagnes.
La glace se produisant naturellement dans des portions indivises, elle peut appartenir à tous les ayant droits et persoune ne peut avoir le droit d'en demander la propriété au détriment de ceux à qui appartiennent les terrains concédés.
Ce produit qui ne demande que la peine d'aller le chercher très loin, donne tous les ans aux pauvres de la commune une ressource qui par la concurrence de la vente s'obtient à un prix modéré et suffisant pour que pendant six mois de l'année ils trouvent de quoi acheter des vivres et entretenir leurs familles.
Toutes ces considérations, dans l’intérêt public, motivées sur des raisonnements justes, je crois pouvoir solliciter de votre autorité de repousser les prétention de M. Morénas en considérant ma lettre comme une opposition formelle au monopole qu'il veut établir et que la loi défend, car déjà, des noirs envoyés pour chercher de la glace ont été renvoyés par les agents de M. Morénas sans en obtenir, bien que le même Jour, il en a vendu a St Paul a 3 0u 4 sous la charge; cette circonstance a sérieusement mécontenté toute la ville de St Paul. Vous en êtes instruit et vous ferez justice.
J'ai l'honneur d'être très respectueusement, Monsieur le Directeur de l'Intérieur, 'votre trés obéissant serviteur.
LA Maire SALELES

L'affaire n'en resta pas là, et suite à une nouvelle lettre reçue par ses administrés, le Maire de St-Paul envoya une deuxième lettre au Directeur de l'Intérieur:

Monsieur le Maire,
Nous avons été étonnés en lisant dans le Glaneur de samedi dernier, un avis signé par M. le Directeur des Domaines, et où il informe les habitants de la partie sous-le-vent que M. Morénas demande la concession du Brûlé de Saint-Paul
La glace n'a été utilisée à Bourbon que depuis 12 à 14 ans. Pendant les premières années, celui-la seul qui avait pensé à en tirer parti en faisait extraire du Brûlé, mais petit à petit l'usage en devint plus fréquent et bientôt la consommation en fut assez grande pour que St Paul put en regarder la vente comme un produit. Dès lors elle devint une ressource pour les indigents et dans les années de disette, elle fournit à un grand nombre de familles de quoi se procurer du riz fort cher alors et leur donner les moyens de subsister pendant plusieurs mois. Vous n'ignorez pas, Monsieur le Maire, que le commerce de la glace est encore aujourd'hui une ressource indispensable à bien des malheureux qui attendent les mois d'hiver pour se procurer de quoi vivre pendant une partie de l'année, ainsi nous croyons devoir faire valoir, indépendamment de nos droits sacrés de propriétaires les droits aussi sacrés des indigents, il serait inouï que le Gouvernement pensât à enrichir un homme entièrement étranger à notre commune au détriment d'une partie entière de sa population et de cette partie qui doit le plus vivement exciter sa sollicitude!
Nous vous prions, Monsieur le Maire, de vouloir bien réclamer de suite et vivement auprès de l'autorité, pour la conservation de nos droits et pour gu'on ne vienne pas ravir à nos pauvres un moyen d'existence. Quant à nous, nous réfléchirons encore et nous verrons si, dans l'intérêt de la commune et dans le nôtre nous ne devons pas nous opposer formellement à tout établissement dans les hauts, semblable à celui de M. Morénas et si, instruits par l'expérience nous ne devons pas craindre les conséquences de notre bonté et employer les moyens que nous donne le droit de propriété pour restituer de suite et en totalité à la population indigente un revenu dont nous lui avons laissé enlever une partie
Nous avons l'honneur d'être, Monsieur le Maire, vos très humbles et très obéissants serviteurs.
St Paul, le 28 mai 1835
LE LIEVRE - AUBRY- Ferdinand DUPUY - ARCHAMBAUD - Vve CHANDEMERLE - KIANVAL Aimné - DESBASSYNS - BOSSE - QUICLET - Elie RICQUEBOURG - VERGOZ - LIGER - Marie-Luc de LANUX - FRANCOIS - Auguste LEBRETON - LUCAS - LIGER Rochebebelic (fils) - G.ÊCHANDEMERLE- FITAU -Vve SERU - Antoine ROLIN.

St·Paul, le 10 juin 1835
Monsieur le Directeur
]'ai eu l'honneur de vous écrire le 26 mai dernier et de vous envoyer les réclamations de divers habitants sur réclamations de M, Morénas aujourd'hui, bien que j'en aie été honoré d'un accusé de réception de ma lettre susdite, j'ai de nouveau l'honneur de vous envoyer la lettre que des habitants de la commune viennent de m'adresser, je vous prie de la la faire prendra en considération et me croire respectueusement Monsieur le Directeur, votre très humble serviteur.
Le Maire SALELES

L'histoire de la Glacière est ensuite liée à celle de Madame Desbassyns. En effet, l'endroit, d'abord aménagé par un Morenas en 1832 est exploité par Mme Desbassyns bien des années plus tard.

Panneau et http://www.reunionvoyage.com/page/5/
 
 

(DMC-FZ18; 0.0100 s (1/100); 4.6mm (35mm equivalent: 31mm); f/2.8)
 

Fonctionne avec album depuis MarginalHacks par D. Madison on Sat Jan 16 22:08:32 2010